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  • Photo du rédacteurJoel Aincy

La Médiation Humaniste

Dernière mise à jour : 29 oct. 2021

La connaissance de soi par la vérité de l'autre


La Médiation. Elle est devenue une voie presque incontournable pour conserver et enrichir nos liens entre notre vie personnelle, professionnelle, et en société. Je pratique cette discipline depuis plusieurs années et je vous livre ici mes connaissances et mon expérience.



Il est possible d'identifier une amorce de la Médiation dans la culture de la Grèce antique, avec le courant philosophique visant à faire réfléchir les personnes sur leurs relations aux autres, et par conséquent à eux-mêmes. Par la maïeutique qui, en philosophie désigne par analogie l'interrogation sur les connaissances, Socrate parlait de « l’art de faire accoucher les esprits » De manière concrète, i posait des questions faussement naïves, écoutait et s'arrangeait pour que l'interlocuteur prenne conscience lui-même de ses manques de précision et de ses contradictions dans son raisonnement. Les personnes se rendaient ainsi compte que, alors qu'elles croyaient savoir, elles ne savaient pas. Inversement, il amenait également ses interlocuteurs à réaliser qu'ils possédaient des connaissances en les guidant à travers leur réflexion.



Le dictionnaire nous dit : La Médiation, de (Médiare : s’interposer) est une discipline qui vise à définir l'intervention d'un tiers pour faciliter la circulation d'informations, éclaircir ou rétablir des relations. Ce tiers, neutre, indépendant et impartial, est appelé Médiateur.


Sur un plan juridique et depuis 2019, la simplification de la procédure civile de résolution des différents impose aux Parties et à leurs Conseils respectifs, d'observer une phase préalable de rapprochement amiable dans tout litige d’un montant inferieur à 5000 euros, avant de saisir le tribunal judiciaire.


Dans les cadres du Droit public et du Droit privé, Il existe plusieurs types de Médiation. Chaque type fait appel à des moyens différents tout en ayant la même finalité : renouer le dialogue entre les individus.


Citons une médiation plus particulièrement pratiquée en entreprise, c’est la médiation collective ou médiation de projet, adaptée à partir de 5 personnes, les méthodes sont diverses (comme l’approche systémique par exemple). Il s’agit dans ce cas de rétablir le lien et de discuter de l’organisation du travail. Elle est de type conventionnel.


La Médiation conventionnelle implique une convention (le contrat) entre le médiateur et l’entreprise ou les particuliers, Elle offre un espace d’échange bénéfique et apaisant aux parties qui ont la volonté de trouver un accord qui peut à l’occasion remplacer un accord existant contesté. La Médiation judiciaire est elle demandée par un juge qui fait appel, à certains médiateurs inscrits à la Cour d’appel et à d’autres inscrits dans d’autres tribunaux.


Autres types de médiations ... familiales, scolaires et environnementales… 


Une médiation réunit des Médiants (en conflit) et des Médiateurs. Ceux-ci ont pour rôle de faciliter dans la neutralité et l’impartialité, l’émergence d’un accord gagnant/gagnant pour les 2 parties.


La Médiation humaniste est née dans les années 70. Elle est basée sur la capacité transformative de guérison.


Conduite par Robert Badinter, celle-ci est venue du besoin de trouver une alternative à la sanction pénale pour les auteurs d’infractions, qui récidivaient. Plutôt que de distribuer des sanctions qui ne satisfont ni les auteurs, ni les victimes et ne protègent pas la société puisque les taux de récidive sont élevés, il fallait promouvoir de nouvelles réponses judiciaires.


La médiation humaniste prend donc la forme d’une médiation pénale.


En médiation, les personnes ne sont pas des auteurs et des victimes, mais des êtres en souffrance. La libération de la parole, celle des émotions suscitées par le traumatisme, l’expression de ce qui demeure non résolu en présence de protagonistes ayant vécu une même situation possède un effet réparateur sur les victimes et permet également aux auteurs de comprendre la portée de leurs actes, et de se sentir « ré humanisés » par la victime. Cette initiative a diminué les récidives et prouvé son efficacité.


Le conflit est partout, en nous-même, puis avec les autres. Il naît lorsque le désir de l’un est entravé par le désir de l’autre. La peur est sous-jacente. Toute situation conflictuelle qui risque d’occasionner une séparation est vécue dramatiquement. La rencontre et le dépassement des émotions permettent de mettre en place un nouvel ordre.


René Girard dit que « la violence est une nécessité vitale. Elle est intimement liée au conflit mais n’est pas la réponse ».


Je me souviens d’un conflit personnel avec quelqu’un qui m’apparaissait avoir un comportement pervers. Ce conflit avait chez moi des résonnances émotionnelles. Le miroir me renvoyait ce que je ne voulais plus être.


J’ai longtemps cherché les moyens d’en sortir et, j’ai réussi en faisant apparaître ce qui nous rapprochait plutôt que ce qui nous séparait. Un nouvel ordre était en place, chacun restant ce qu’il est. Ce conflit était en moi.


Il illustre la dualité qui nous constitue. N’oublions pas que nous sommes souvent notre meilleur ennemi.


Plutôt que le glaive de la justice, la Médiation n’apparaît pas seulement comme une technique, c'est aussi une vision philosophique et optimiste de l’être humain qui suppose sa capacité de transformation par le dialogue avec autrui.


En effet, ces rencontres de médiation enclenchent chez les acteurs un processus de reconnaissance réciproque qui transforme profondément les identités de chacun. » La réussite d’une Médiation humaniste implique donc une transformation intérieure des êtres. Cela dit, et dans tous les cas, le chemin de la médiation amène les médiants à réfléchir.


Nous sommes ici au cœur des valeurs humanistes prônées par les philosophes des Lumières pour lequel l’homme est une valeur suprême qui ne doit pas être assujetti.


Je suis arrivé à la Médiation par hasard. Le conseil d’une amie exerçant dans les Ressources Humaines qui a eu l’intuition de me diriger vers cette discipline, il y a maintenant 10 ans.


Ce que j’ai appris est très court : développer mon intuition, prendre les autres comme ils sont, donc accepter les différences et surtout ne pas juger. L’apprentissage de la prise de distance en fait partie.


Ce regard sur l’autre développe l’humilité, jamais complètement acquise.


Chercher et éviter le conflit sont les attitudes les plus courantes.


Chercher le conflit est malsain, il fait apparaître un être querelleur.


Eviter le conflit c’est d’abord porter son attention à chercher un terrain commun. Cela nous amène à nous ouvrir à la raison de l’autre, étape intermédiaire qui permettra de trouver une solution. Une deuxième façon de l’éviter est de le fuir, ce que j’ai longtemps fait.


Résoudre le conflit c’est le regarder en face quand il se présente et identifier la ou les causes qui le motivent, surtout celles qui ne sont pas apparentes. Ensuite, trouver les solutions pour le dénouer. Dans ce cas, le conflit est une dynamique qui fait avancer.


L’idée que le conflit est systématiquement négatif, est fausse. Elle encourage la croyance qu’il faut éviter le conflit à tout prix, en négligeant son action souterraine et toxique qui étouffée dans un premier temps, peut resurgir ensuite de manière inopinée et violente


Au contraire la crise que matérialise le conflit peut être une opportunité. Une rencontre que souvent nous refusons.


L’harmonie peut naître des conflits disait Héraclite VIe siècle av JC.


L’une des difficultés pour avancer est quelquefois la différence de « culture ». Je me souviens d’une médiation : Lui, un homme méditerranéen fier. Elle, sa femme ou son ex-femme visiblement pas prête à obéir. A la fin de la Médiation pénale, qui n’avait guère pu avancer car, « lui » s’opposait systématiquement. Les yeux dans les yeux il me dit : « de toute façon, vous ne pouvez pas comprendre ». Nos cultures différentes étaient pour lui une barrière.


Déroulement pratique d’une médiation humaniste :


Tous mes médiateurs n’appliquent pas cette méthode, l’objectif est de changer la perception de la situation. Il peut y avoir d’autre méthodes appliquées par d’autres écoles.


Afin de préparer la future Médiation il est proposé à chacune des personnes en conflit, un Entretien préalable, séparément. Son but est d’exposer aux médiateurs les faits qui ont motivés la plainte et d’obtenir l’accord des médians pour la médiation présentielle.


L’entretien préalable est très important. Souvent la victime est terrorisée à l’idée de rencontrer le Mis en cause. Il faut expliquer, dédramatiser, sans mettre de pression.


La Médiation va permettre de faire une place au drame en lui donnant un espace et un temps. Elle est ritualisée, c’est à dire organisée et acceptée.


Elle commence par l’accueil qui a pour but de mettre les acteurs en confiance, leur rappeler que cette rencontre est librement consentie, que les Médiateurs ne sont pas des juges, que leur rôle consiste à faciliter le dialogue. Ce seront les médians eux-mêmes qui trouveront leur solution dans la confidentialité. Les options concernant la plainte en fin de médiation seront évoquées.


L’idée est que chacun va tout d’abord relater les faits de la façon dont il les a vécus, sans se couper la parole. Il en est fait ensuite un résumé par un Médiateur. Et sans attendre, la Médiation commence par un Senti.


Le Senti, par exemple : je vous sens triste, je vous sens désemparé, ou blessé, est une façon d’interpeler quelqu’un afin qu’il se connecte avec ce qu’il ressent et non à ce qu’il pense.


Cette façon de l’interpeller permet de le reconnaître pour ce qu’il est.


Le Miroir lui, est un phénomène déclencheur. Le médiateur reflète ce que le médian lui a exprimé. C’est la reconnaissance des émotions. Avec le miroir on intervient sur le sens caché.


Il faut toujours marquer un Silence après un miroir pour permettre sa « digestion ». Le silence peut devenir lourd, dans ce cas, il encourage la réflexion en donnant du temps. Le vide devient un espace. Avec le questionnement, les non-dits vont s’exprimer car les médiants doivent sortir de leur rôle,


Lors des échanges, l’idée de base est que chacun à raison, de son point de vue.


Les Médians doivent être reconnus dans leurs souffrances. Nous ne sommes plus dans les faits mais à un autre niveau de perception et de clarification.


Les miroirs et les sentis appellent des réponses. Le médian est interpellé et la médiation peut commencer.


Dans ces échanges, de mini synthèses d’étapes, ouvriront des débats. Il s’agit de prendre de la hauteur. Les Valeurs de l’un et de l’autre sont comparées.


Ainsi, chacun doit pouvoir donner sa représentation du monde. Cette confrontation du couple, de l’honneur, de la famille, de la place du père, va permettre de passer d’une situation crispée à un niveau de compréhension mutuelle plus profonde.


La résolution du conflit viendra par la reconnaissance par l’un des Valeurs de l’autre et de ce qu’il met sur ces Valeurs.


En amont des émotions il y a un besoin, mais ce sont les fondements qui sont en cause. Il y a une nécessité à être reconnu à travers ses besoins, ses émotions, sur leurs fondements donc sur les Valeurs. Le changement de perception peut s’opérer.


Dans ce contexte, la médiation remplit son rôle pacificateur.


Le médiateur garde intuitivement en lui la conviction que quelque chose peut se passer entre ces deux êtres en agissant sur la corde sensible malmenée par des pensées qui ont déformé leur jugement.


Dans ce cadre, la confrontation est une voie naturelle, la dramatisation est induite par le non-dit.


Passer du conflit intérieur à l’ordre, d’abord avec nous-même ensuite avec les autres.


C’est le fil de cette nouvelle réalité, au début sans réelle signification, qui révélée jour après jour nous permet d’entrevoir notre vérité.


« Il n’y a pas de chemin, il faut marcher. C’est en marchant que se fait le chemin », nous dit St Jean de La Croix.


La Médiation comme la tragédie ne sont qu’une préparation à vivre. À mourir et à renaître, en traversant tous ces obstacles qui sont en nous.


Il n’y a pas de réponse à la question fondamentale du mystère de la vie. Ou plutôt, il n’y a qu’une réponse, ce mot que nous prononcerons tous un jour, quel que soit notre âge, au bout de ce chemin : « déjà »


Edgar Morin nous dit :


Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille.


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